Heiva Rima’i, rencontre avec des artisans
Le Heiva Rima’i, le salon de l’artisanat de Polynésie, rassemble chaque année les oeuvres des artisans venus des cinq archipels de la Polynésie au même endroit pendant quelques semaines en juin et en juillet. Étant en stage la semaine et flemmarde le week-end, je m’y suis rendu tardivement, mais à temps pour vous livrer quelques portraits d’artisans polynésiens. Timides mais toujours enclins à se laisser prendre en photo, les artisans peuvent devenir très bavards dès que la rencontre dépasse la simple “photo souvenir”. Voici une rencontre avec ces petites mains ouvrières et créatives.
Noëline
Noëline vient de Rurutu, une île des Australes (Tuha’a Pae). Comme beaucoup de mama des Australes, elle excelle dans l’art du tressage et dans la confection de chapeaux et de sacs en pandanus. Pas très bavarde et accompagnée de sa petite fille, elle m’a gentiment laissé la prendre en photo en plein travail, assise à même le sol. Silencieuse, Noëline est habile et rapide. Est-ce qu’elle a l’habitude d’être prise en photo ? Je l’ignore, mais elle ne semble pas gênée face à l’objectif. Je l’admire, prend mes clichés, et la remercie.
Cette première approche était pour moi encore trop timide. Je n’ai obtenu rien d’autre que son nom et mes clichés. Je décide d’en savoir plus pour les autres portraits.
Kaiha
Sous un grand chapiteau abritant les divers concours d’artisanat organisés en pleine journée, Kaiha sculpte un couple de tiki. Originaire de Ua Pou aux Marquises (Henua Enana), Kaiha n’est pas bien bavard non plus. Enfin, c’est ce que je croyais jusqu’à ce qu’un ami vienne le voir et qu’ils discutent (en marquisien ?) pendant qu’il continuait à sculpter ! Je me lance alors :
« Comment t’appelles-tu ? (oui, on tutoie tout le monde en Polynésie)
– Kaiha.
– Ça signifie quoi ?
– Ben… c’est mon nom. »
Décidément pas bavard, je tente une autre approche. Je porte un nom marquisien, mais mon côté Chinois ressort beaucoup plus. Chez les Polynésiens, les noms ne se donnent pas n’importe comment, ils restent dans les familles. Ainsi, lorsque je donne mon nom, les gens se questionnent.
« Moi je m’appelle Vaikehu.
– Vaekehu ? (les deux orthographes existent) C’est un nom marquisien ça ! »
Touché. J’ai ouvert une brèche et les mots coulent enfin de la bouche de Kaiha. Il me donne la signification de mon nom (avec l’orthographe Vaekehu) et me parle de la première femme qui s’appelait ainsi, à l’époque de l’arrivée des Occidentaux aux Marquises. C’est également l’histoire des Marquises qu’il me raconte, et j’écoute, attentive.
J’aurais aimé en apprendre davantage, mais il est déjà tard. Je continue donc mon tour du salon.
Nitare
Dans une allée, entre des stands, Nitare, de Rurutu également, tresse des ceintures. Elle est très souriante et encline à être prise en photo. Quelques secondes de prise et je la remercie pour terminer ma visite.
Terry
À 17h30, au stand de l’association Keavau des Marquises, Terry semble minutieux derrière sa petite table. Je jette un coup d’oeil rapide dans le stand pour savoir quelle matière il travaille : le bois et l’os. Je m’approche pour voir de plus près ce qu’il fait : il esquisse sur des pièces d’os les formes qu’il va leur donner. Ce jeune homme, originaire de Tahuata, travaille avec son oncle qui, lui, est toujours aux Marquises. Ils utilisent des os de boeuf et collent parfois du bois aux extrémités. L’os ressemble au bois, au toucher et à cause de l’aspect fibreux.
Après avoir travaillé ces pièces, Terry donne vie à des tiki, des tortues ou encore des raies. Pendentifs, boucles d’oreille, lampes, plateaux, les usages sont nombreux. L’alliance du bois et de l’os est tellement bien réalisée qu’on pourrait croire que ce n’est qu’une seule et même matière.
Je remercie Terry pour ses explications et pour être encore à l’oeuvre à une heure aussi tardive ! La nuit tombe, il est temps de rentrer. À la sortie du salon de l’artisanat, juste devant le portail côté parking, quelqu’un ne semble pas vouloir plier bagages.
Etera
Etera, originaire de Rimatara aux Australes, confectionne un panier. Il ne semble pas remarquer la tombée de la nuit et la faible luminosité tellement il est concentré.
« Il est très rapide » me souffle sa collègue, assise sur une petit tabouret face à lui.
Je l’observe travailler et lui pose quelques questions sur le tressage et la confection de paniers. Deux couches de tressage sont nécessaires pour faire la doublure (ce qu’il faisait) entre lesquelles du carton est inséré est servira à rigidifier l’ensemble. Une dernière couche est ensuite ajoutée, avec un tressage plus fin et esthétique. L’ensemble se fait sur une caisse en bois de la forme et la taille qu’on souhaite donner à l’ouvrage final.
Etera me parle de la chaleur et de la lourdeur qu’il fait dans la journée. Il est plus agréable de travailler en fin de journée. Ce jour-là, les pompiers ont prévenu les artisans du mauvais temps annoncé et ont conseillé de bien attacher les bâches des stands…
Les artisans sont généralement peu bavards. Leur métier s’apprend par la pratique, et non par la parole. Leurs mains portent les marques de ce travail de la matière. Ils semblent peut-être ne pas s’en préoccuper, mais lorsqu’on voit ce qu’accomplissent ces petites mains, on oublie ce genre de détail. Retrouvez dans cet article ce qu’on peut trouver chez les artisans.
Le Heiva Rima’i est ouvert chaque jour de 8h à 18h et jusqu’au dimanche 17 juillet à Aorai Tini Hau. N’hésitez pas à aller y faire un tour et découvrir les créations des différents archipels !
Surprise
Aujourd’hui marque le premier mois du blog ! Pour fêter ça, j’ai décidé d’envoyer deux cartes postales de Tahiti. Pour avoir la chance de recevoir un petit bout de paradis, remplissez ce formulaire avant dimanche à 23h59 (heure métropolitaine) et consultez votre boîte aux lettres les prochaines semaines 😉
Je vous souhaite une bonne fin de semaine.
de belles histoires & de très belles photos <3
Merci beaucoup, Anne ! Je suis vraiment contente de retrouver une blogueuse aussi inspirante que toi par ici ! 😀
Je m’y suis rendue pour la première fois l’an dernier pour réaliser un mini reportage photos. J’étais super contente parce que les artisans me laissaient les prendre en photos ainsi que leur travail (à une ou deux exceptions près qui avaient peur d’être plagiés) et j’ai rapporté plein de chouettes clichés. Il n’y a pas à dire, les confections sont toutes sublimes, un vrai plaisir pour les yeux et une fierté, aussi, dans le sens où cet artisanat appartient à notre culture. 🙂 Mais il paraît que l’édition de cette année n’a pas attiré grand monde, et c’est vrai que pour y être allée le tout dernier jour, je m’attendais à croiser un peu plus de têtes…
J’y suis allée la semaine dernière assez tard après le boulot, la nuit tombait en repartant. C’est vrai qu’il n’y avait pas grand monde. J’espère que le Heiva Rima’i sera maintenu malgré l’apparente baisse de fréquentation ! Sinon, pour ce week-end, je pense que les gens étaient plutôt au Musée pour le Heiva tu’aro maohi ^^